10 décembre 2025 — Journée des droits humains
En cette journée des droits de l’homme, nous souhaitons mettre en lumière un fait peu connu du public : les tortures dans l’armée russe.
En Russie, un mot terrible résume l’horreur qui règne au sein de l’armée : « обнуление » — l’«annulation». Il désigne l’assassinat, la torture ou l’envoi délibéré à une mort certaine de soldats russes… par leurs propres camarades ou supérieurs. Ce n’est pas une exception, mais une pratique systématique, documentée par le média indépendant Verstka dans sa récente enquête « Обнулители » (« Les Annulateurs »). Plus de 100 militaires y sont identifiés comme bourreaux, transformant leurs unités en machines à broyer des vies.

L’enfer des « obnulitel » : tuer pour punir, pour l’exemple, ou par sadisme
Les méthodes sont d’une brutalité inouïe :
- « On a cogné la tête d’un gars contre le sol jusqu’à ce qu’il meure. » Un soldat raconte comment un jeune conscrit a été battu à mort pour avoir bu de la vodka après des semaines de combat sans ravitaillement, dormant dans la boue et l’eau croupie. « Il agonisait, de la mousse lui sortait de la bouche, il avait des convulsions. On nous a ordonné de l’achever. »
- Les « trous » : des fosses de deux mètres de profondeur, recouvertes d’une grille. Les victimes y sont jetées, puis noyées à l’eau glacée pendant des heures. « Tu finis par attraper une pneumonie, tes reins lâchent… et tu meurs. » Certains y sont laissés sans nourriture ni eau, battus quotidiennement. « Si tu veux sortir, bats-toi à mort contre les autres. »
- Les « appâts » : des soldats envoyés en première ligne sans arme ni gilet pare-balles, servant d’appâts. « Tu cours vers une mort certaine. Derrière toi, un détachement t’empêche de reculer. Ton seul espoir : être blessé et fait prisonnier. » Ceux qui refusent sont exécutés sur place.
Un système de terreur institutionnalisé
Ces crimes ne sont pas l’œuvre de soldats isolés, mais d’une chaîne de commandement complice :
- Les commandants vendent la vie de leurs hommes : ils exigent des pots-de-vin pour éviter les missions suicidaires, volent les salaires des contractuels, et éliminent ceux qui résistent.
- Les corps des victimes sont cachés : enterrés en forêt, abandonnés sur le champ de bataille, ou même détruits à la grenade pour effacer les traces de torture. « On l’a habillé avec un vieux gilet pare-balles, on a posé deux grenades sous lui, et on a tout fait sauter. Ensuite, on a laissé son corps pourrir au soleil pendant des jours. »

Un piège légal : l’enrôlement forcé et l’impossibilité de fuir
Depuis septembre 2022, le décret sur la mobilisation, toujours en vigueur, a plongé des centaines de milliers de Russes dans un cauchemar sans issue :
- Tous les contrats militaires ont été prolongés indéfiniment jusqu’à la fin de la « période de mobilisation » — une formule floue qui permet à l’État de maintenir les soldats sous les drapeaux jusqu’à 65 ans, sauf en cas d’invalidité totale ou d’emprisonnement.
- Aucune démission n’est possible : même les contractuels, engagés pour une durée déterminée, se retrouvent piégés. Ceux qui refusent de combattre ou tentent de quitter leur unité risquent jusqu’à 10 ans de prison, selon la loi n° 365-ФЗ (2023), qui a durci le Code pénal, l’envoi dans les unités d’assaut les plus dangereuses et la torture.
- La reddition est devenue un crime durement puni : depuis mai 2023, un soldat capturé doit prouver qu’il a résisté physiquement pour éviter d’être condamné à son retour. Sinon, il encourt 10 ans de prison pour « trahison ».
Des chiffres qui accusent
- Plus de 150 000 morts dans l’armée russe et 70 000 déserteurs — des chiffres des médias d’investigation et des défenseurs des droits humains qui révèlent l’ampleur de la répression interne.
- 6 000 soldats aidés à déserter par des ONG comme « Идите Лесом » (« Fuir par la forêt »).
- Plus de 100 000 demandes d’aide enregistrées par les défenseurs des droits humains depuis 2022 pour éviter l’enrôlement militaire, déserter ou se rendre.
Pourquoi en parler le 10 décembre ?
Parce que ces crimes sont une attaque frontale contre l’humanité elle-même. L’armée russe ne se contente pas de tuer en Ukraine : elle détruit ses propres soldats, les réduisant à l’état de chair à canon et la valeur de leurs vies à néant. Les « обнулители » sont le visage d’un régime qui a fait de la violence son seul langage.
Aujourd’hui, Journée des droits humains, nous refusons de détourner les yeux. Nous exigeons que ces crimes soient documentés, que leurs auteurs soient jugés, et que les victimes — celles qui ont survécu — trouvent refuge et justice.
Une collecte de dons est organisée en faveur des déserteurs et objecteurs de conscience, qui ont une position anti-guerre publique et ouverte, que nous soutenons. Vous pouvez lire leurs histoires sur notre site: https://russie-libertes.org/2024-04-24-il-faut-sauver-le-deserteur-ryan/ et aussi les aider par un don : https://www.helloasso.com/associations/russie-libertes/collectes/il-faut-sauver-le-deserteur-ryan
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