1 an après la tentative d’assassinat d’Alexeï Navalny
Rappel des dates clés de l’affaire Yves Rocher menant à l’emprisonnement d’Alexeï Navalny.
Le 20 août 2021, un an jour pour jour après la tentative d’assassinat d’Alexeï Navalny, la chancelière allemande Angela Merkel, en visite officielle à Moscou, a réclamé la libération du leader de l’opposition russe. Ce à quoi Vladimir Poutine a rétorqué qu’Alexeï Navalny, sans le nommer, n’était pas détenu “pour ses activités politiques”, mais pour “une infraction criminelle envers des partenaires étrangers”.
Il est important de rappeler que ledit « partenaire étranger », utilisé dans le discours de Poutine pour tenter de légitimer la détention du leader de l’opposition russe n’est autre que la société française Yves Rocher. Cette dernière a intenté une affaire en justice contre Alexeï Navalny en 2012 par la voix de Bruno Leproux, Directeur Général de la filiale russe d’Yves Rocher à cette époque.
Russie-Libertés, association française de défense des Droits de l’Homme en Russie, souligne la nécessité d’attirer l’attention de la société française et du pouvoir français sur le rôle d’Yves Rocher dans la répression que subit actuellement le leader de l’opposition en Russie.
En 2017, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a jugé cette affaire comme étant arbitraire et déraisonnable, et le procès – inéquitable. La Cour a également estimé que les incessantes arrestations de Navalny étaient politiquement motivées et visaient “à étouffer le pluralisme politique” en Russie. Il a par ailleurs été reconnu comme un « prisonnier d’opinion » par Amnesty International.
Depuis, Yves Rocher n’a rien entrepris pour stopper les répressions politiques contre Navalny, alors que Poutine utilise sans fin la thèse de la défense des intérêts de cette entreprise française.
Nous estimons important de rappeler ci-dessous la chronologie des dates clés de l’affaire Yves Rocher menant à l’emprisonnement d’Alexeï Navalny :
Ø En novembre 2012, un procès est intenté contre Alexeï Navalny et son frère Oleg Navalny à la suite de la plainte pour « suspicions d’escroquerie » déposée par Bruno Leproux, Directeur Général de la filiale russe d’Yves Rocher, réclamant des dommages et intérêts à hauteur de 55 million de roubles (1.4 million d’euros). Bruno Leproux prétend que l’action en justice serait en accord avec le siège français d’Yves Rocher.
Ø En novembre 2014, Christian Melnik, directeur administratif et financier de la filiale russe d’Yves Rocher, a déclaré sous serment devant le tribunal qu’aux termes de l’audit interne aucun dommage n’avait été causé à l’entreprise.
Ø Bruno Leproux a refusé d’être entendu en qualité de victime et a démissionné du poste de directeur général de la branche russe d’Yves Rocher en juin 2013. Il n’a pas été convoqué à comparaître devant le tribunal alors qu’il était un témoin clé.
Ø Le 30 décembre 2014, le tribunal de Moscou a jugé les frères Navalny coupables de détournement de fonds, escroquerie et blanchiment, les condamnant à :
- Oleg Navalny – 3,5 ans d’emprisonnement ferme (il était emprisonné du 30 décembre 2014 au 29 juin 2018) ;
- Alexey Navalny – 3,5 ans d’emprisonnement assorti d’un sursis de 5 ans, allant jusqu’au 30 décembre 2019. Ainsi, pour toute violation des conditions du sursis durant cette période, sa peine pouvait se transformer en une véritable peine de prison ferme. Par la suite, pour une raison arbitraire, la période de sursis a été prolongée d’un an jusqu’au 30 décembre 2020.
Ø Le 17 octobre 2017, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) avait estimé que les frères Navalny avaient été privés de leur droit à un procès équitable, et dénoncé des décisions de justice « arbitraires et manifestement déraisonnables ».
Ø Le 25 avril 2018, la Cour suprême de Russie a réexaminé l’affaire sur demande de la CEDH mais refusé d’annuler le jugement en confirmant le verdict et la peine.
Ø Le 9 avril 2019, la CEDH a reconnu que l’assignation à résidence de Navalny pendant dix mois en 2014 durant le stade de l’enquête était motivée par des considérations politiques. La CEDH a condamné la Russie à verser à Alexey Navalny 20 000 euros pour préjudice moral.
Ø Le 20 août 2020, les services spéciaux russes ont empoisonné Alexey Navalny en utilisant le poison militaire interdit « Novichok ». Tombé dans le coma, Navalny a été transporté en Allemagne pour y être soigné. Il y est resté en convalescence jusqu’au 17 janvier 2021.
Ø Malgré la conclusion de la Clinique de la Charité, de trois laboratoires indépendants en Europe, ainsi que des experts de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, les autorités russes n’ont pas reconnu le fait de l’empoisonnement.
Ø Dans la soirée du 28 décembre 2020, les services pénitentiaires russes (FSIN) à Moscou ont déclaré que Navalny échappait illégalement à son contrôle judiciaire prévu dans le cadre de l’exécution de sa peine et lui ont enjoint de venir d’Allemagne à Moscou avant 9 heures le lendemain.
Ø Le 29 décembre 2020, le dernier jour avant la fin de la période de sursis, le FSIN a constaté le non-respect par Alexey Navalny des exigences posées le 28 décembre, a émis un avis de recherche en raison des “violations systématiques du contrôle judiciaire” et a demandé l’annulation de la peine avec sursis et la conversion de cette dernière en emprisonnement ferme.
Ø Le 17 janvier 2021, Alexey Navalny a été arrêté à l’aéroport de Sheremetyevo lors d’un contrôle aux frontières. Depuis 2 février 2021 il purge sa peine en colonie pénitentiaire.
Information judiciaire en France visant Yves Rocher :
Ø Février 2019, Une information judiciaire est ouverte par le parquet de Vannes à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile déposée par les frères Navalny pour « dénonciation calomnieuse » visant le groupe Yves Rocher
Ø Le 30 avril 2019, convocation des frères Navalny par le juge d’instruction devant le tribunal de Vannes. L’entreprise est accusée de complicité dans la fabrication d’une affaire pénale contre les frères Navalny.
Ø En juin 2021, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes a rejeté une demande d’actes déposée par les avocats de Navalny. Les avocats regrettent cette décision mais considèrent qu’elle “ne met pas un terme définitif pour autant à l’enquête”.