Le Forum Russie-Libertés 2025, organisé par l’association française Russie-Libertés, s’est tenu le samedi 11 octobre 2025 à Paris, en présence de personnalités politiques, d’experts internationaux et de représentants de la société civile russe et ukrainienne. 

Sous le thème « Les sociétés face à la guerre », cet événement a réuni plus de 300 participants pour analyser les défis actuels de la société russe, les voies vers la paix en Ukraine et les moyens de contrer la désinformation.

Nicolaï Kobliakov, président de Russie-Libertés, a rappelé dans son discours d’ouverture la mission de l’association : « Porter la voix de la société civile russe en France, soutenir les mouvements anti-guerre et œuvrer pour une Russie démocratique et pacifique. » 

Depuis 2014, l’association se tient aux côtés du peuple ukrainien et soutient tous les peuples opprimés par le régime de Poutine.

Olga Prokopieva, directrice de Russie-Libertés, a souligné l’urgence de la situation : « Trois ans et sept mois après l’invasion massive de l’Ukraine, des milliers d’ukrainiens ont peri sous les bombes ou subissent la torture dans les prisons du Kremlin. Cette guerre extérieure s’accompagne d’une répression intérieure toujours plus brutale et institutionnalisée. Plus de 3 000 prisonniers politiques croupissent dans les geôles du Kremlin. »

Points forts du Forum

Le Forum s’est ouvert avec une performance de Monetochka, icône de la pop russe engagée, qui a souligné le pouvoir de la musique comme dernier refuge de la résistance quand tous les autres moyens sont muselés.

«La guerre, c’est le chagrin et la cruauté. La jeunesse russe grandit dans une normalisation de la guerre.»

La première table ronde, « Militarisation et Société – Les Russes sous Poutine », a mis en lumière l’impact de la militarisation sur la société russe. Les intervenants ont analysé la violence engendrée par le retour des soldats du front, la répression croissante et le soutien réel à Poutine. Les experts ont insisté sur la peur croissante au sein même des élites, les difficultés économiques et de mobilisation dans l’armée qui freinent les appétits du Kremlin.

  • Serguey Krivenko (directeur de Citoyen. Armée. Loi.) a expliqué qu’il n’y a aucun départ volontaire d’hommes russes pour la guerre en Ukraine. Il est soit motivé par l’argent soit par la pression physique et psychologique. « Le nombre de ceux qui refusent de participer à la guerre augmente. Entre l’emprisonnement et l’enrôlement, de plus en plus de gens choisissent le premier. »

« La deuxième grande vague de mobilisation peut être annoncée à tout moment. Cependant, le gouvernement russe a peur de le faire, car le début de mobilisation en 2022 a été très mal perçu par la société russe ». 

  • Ksenia Fadeeva (ancienne prisonnière politique) « En Russie, faire de la politique normalement est devenu totalement impossible depuis 2021. L’opposition est criminalisée, mais la majorité des opposants restent en Russie, malgré les risques. »
  • Arnold Khatchaturov (Novaya Gazeta Europe) a présenté plusieurs études qui ont notamment révélé que malgré la baisse des protestations politiques en Russie, 40 000 actes de contestation depuis le début de la guerre massive ont été répertoriés – c’est environ 30 actes de protestation par jour.

Il a également alerté sur la hausse de la criminalité dans la société russe engendrée par le retour des hommes du front – « Plus de 3 500 sentences ont été prononcées contre d’anciens combattants, responsables de crimes graves. »

  • Andreï Pertsev (Meduza) « La Russie manque d’argent. Les budgets régionaux sont en déficit, et la population est fatiguée de la guerre. Pourtant, les élites russes, déçues par les espoirs de négociations avec Trump, restent passives. »
  • Farida R. (Faridaily) « Les purges au sein des élites russes se multiplient. Les élites vivent dans la peur et l’attente. Les règles du jeu ont changé, les anciens accords avec le régime ne fonctionnent plus. »

La deuxième table ronde, « Justice et voie vers la Paix – Les conditions de l’acceptable », a réuni des juristes, diplomates et défenseurs des droits humains. Les intervenants ont souligné la nécessité de mécanismes juridiques pour traduire en justice les crimes de guerre russes.

  • Florence Hartmann (association “Pour l’Ukraine, pour votre liberté et la nôtre!”) « Si l’impunité devient la norme, ce sera la victoire totale de ceux qui tuent. Les citoyens doivent préserver le droit international. »
  • Oleksandra Romantsova (Centre pour les Libertés Civiles, Ukraine) « Les conditions d’une paix ne sont tout simplement pas compatibles avec le régime poutinien puisque cela signifie respecter les êtres humains et la vie humaine. La Russie doit changer. »
  • Jeanne Sulzer (avocate, responsable de la commission justice internationale Amnesty France) « La CPI a ouvert une enquête dès 2022, soutenue par plus de 50 pays. L’Ukraine a elle-même ouvert 140 000 dossiers pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. »
  • Sergei Golubok (juriste spécialisé en droit de l’homme) a rappelé un principe simple « Pas de paix sans justice » et a appelé à davantage d’audace et de créativité dans l’application du droit international ainsi que dans l’évolution des sanctions. « Les avoirs russes gelés en Europe pourraient financer les réparations pour l’Ukraine. »
  • Pitt Sietzen (Service européen pour l’action extérieure) « L’UE soutiendra l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire. La paix ne peut advenir sans le respect de la souveraineté ukrainienne. »

La troisième table ronde, « Propagande et guerre : Comment percer la bulle de la désinformation ? », a exploré les moyens de contourner la censure en Russie. Même si les stratégies pour atteindre les Russes s’amenuisent, les médias indépendants redoublent d’efforts pour contourner les blocages et atteindre le public russe.

La table ronde a été ouverte par Brice Roquefeuil (Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères). “Je veux souligner le rôle de Russie-Libertés, et de vous toutes et tous qui réfléchissez à l’avenir de la Russie libre. Nous soutenons les médias indépendants et la société civile russe. Nous accueillons 150 000 Russes par an — pour le tourisme, pour se former, et on assume. Il est important de garder un contact avec la société russe.”

  • Elena Kostuchenko (Novaya Gazeta) « Informer pendant la guerre est une bataille. Le gouvernement russe consacre 1,5 milliard de dollars par an à la propagande. Les journalistes indépendants sont criminalisés, mais nous continuons à documenter les crimes de guerre. »
  • Semyon Kotchkine (média “La Tchouvachie en colère”) « Nous parlons des problèmes locaux pour renforcer l’identité culturelle. Nos lecteurs se sentent soutenus, ce qui nous motive à continuer. »
  • Pavel Kanyguine (To Be Continued) « Les Russes s’intéressent à des sujets qui leur offrent un échappatoire. Nous misons sur des contenus contextuels et historiques pour parler de l’actualité. »
  • Sarkis Darbinyan (RosKomSvoboda) « Les VPN sont une arme de résistance. 30 à 40 millions de Russes les utilisent pour contourner la censure. »
  • Jim Philipoff (RSF) « Le satellite Svoboda permet de diffuser des chaînes indépendantes en Russie, un trou dans l’espace médiatique de Poutine. »

Enfin, deux projets médiatiques francophones ont été présentés par Arnold Khatchaturov (Novaya Gazeta Europe) et Petr Mironenko (The Bell Pro). Ces initiatives illustrent l’apport précieux des journalistes russes en exil, qui mettent leur expertise au service de la compréhension de la Russie en France. Leur objectif : éclairer les autorités et le public français sur les réalités russes, tout en démantelant les récits propagandistes du Kremlin diffusés sur le territoire.

Newsletter française de Novaya Gazeta Europe : s’abonner.
Newsletter française de The Bell Pro : s’abonner.

Le Forum s’est achevé sur deux temps forts :

  • l’intervention de François Vauglin, maire du 11ᵉ arrondissement, réaffirmant l’engagement de Paris aux côtés de la société civile russe,
  • et le discours vibrant de Yulia Navalnaya, figure de l’opposition russe et veuve d’Alexeï Navalny.

Devant les militants russes réunis à la Salle des Fêtes, son allocution, à la fois combative et porteuse d’espoir, a redonné force et conviction à tous ceux qui luttent pour le changement.

 Ne lâchez rien. Ne baissez pas les bras. Ne rendez pas ce service à Poutine ! Chaque activiste, chaque projet, chaque initiative qui frappe le régime sous un angle différent multiplie nos chances de trouver sa faille. Et quand nous l’aurons trouvée — ce jour viendra — nous ferons ce que nous attendons depuis trop longtemps : Nous reviendrons en Russie. Nous mettrons notre force et notre énergie à déblayer les ruines que Poutine et ses complices ont accumulées. Et ensemble, nous construirons un pays pacifique, européen et heureux.”

Le Forum a également été l’occasion de :

  • Collecter 1 400 euros pour la campagne « Energy for Life », soutenant les Ukrainiens privés d’électricité.
  • Accueillir 25 militants venus d’Europe et de Russie pour des sessions de travail en marge du Forum et une rencontre au Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

« Ces échanges sont essentiels pour renforcer les liens entre les activistes en exil et ceux restés en Russie. Ensemble, nous construisons une alternative à la dictature. »Olga Kokorina, directrice de l’Espace Libertés | Reforum Space Paris.

Russie-Libertés tient à remercier ses partenaires : la Mairie de Paris, la Mairie du 11ᵉ arrondissement, l’Institut Français, Amnesty International France, le Gouvernement du Canada, Reporters Sans Frontières, l’association « Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre ! », la Plateforme des initiatives civiques et anti-guerre, ainsi que l’Espace Libertés | Reforum Space.

« Ce Forum confirme que la société civile russe, malgré la répression, reste un acteur clé pour la paix et la démocratie. Nous continuerons à amplifier ces voix en France et en Europe. »Olga Prokopieva.

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