Du 19 au 21 octobre s’est tenu le Forum Russie-Libertés, rendez-vous parisien annuel consacré à l’opposition et à la société civile russes, ainsi qu’à la résistance contre la guerre en Ukraine et les répressions en Russie.
Cet événement marquant a réuni 30 intervenants et 250 participants autour de 5 tables rondes. En parallèle des sessions publiques, des ateliers de travail ont été organisés pour des militants venus du monde entier. Du Canada à la Russie, ils étaient près de 40 représentants des mouvements anti-guerre et pro-démocratie russes de notre vaste coalition internationale. Les ateliers ont permis de construire un plan d’actions pour l’année à venir et d’échanger des pratiques.
Photo par Nikita Mouraviev
Le Forum a été ouvert par Natalia Pouzyreff, députée de l’Assemblée nationale française et présidente du comité France-Russie.
Photo par Nikita Mouraviev
“Nous voulons continuer à œuvrer pour les droits humains et pour les activistes en Russie. Nous gardons espoir qu’un jour la Russie soit libre, et je vous souhaite beaucoup de succès”, Natalia Pouzyreff.
La première table ronde a porté sur l’état de l’opposition et de la société civile russe après plus de deux ans et demi de guerre.
Photo par Nikita Mouraviev
“L’opposition et la société civile sont interdites par la dictature fasciste en Russie. La priorité est d’organiser la résistance à Poutine. Cette résistance possède de bons leaders, mais il est crucial de renforcer l’aspect régional et d’adopter une approche systémique”, a déclaré Maxime Reznik, membre du Comité Anti-guerre.
Photos par Nikita Mouraviev
Tous les intervenants ont souligné l’ampleur des répressions en Russie, qui se sont intensifiées avant même la guerre d’invasion en Ukraine , et ont appelé la communauté internationale à agir pour libérer les prisonniers politique
Photos par Denis Galitsyn
Dimitri Nizovtsev a insisté sur l’importance des médias en exil, comme la chaîne YouTube Politique Populaire, qui continuent d’influencer l’opinion publique en Russie.
Le sujet de la décolonisation a également été évoqué, mettant en avant la nécessité de démanteler les structures hiérarchiques, y compris culturelles, qui oppriment les peuples autochtones.
REPLAY DE LA TABLE RONDE 1 SUR L’OPPOSITION ET LA SOCIETE CIVILE RUSSES : RU / FR
Un moment fort de la première journée a été le discours d’Ilia Iachine, éminent opposant russe et ancien prisonnier politique, récemment libéré lors d’un échange entre la Russie et plusieurs pays occidentaux.
Photo par Nikita Mouraviev
“La guerre en Ukraine a créé un trou dans nos cœurs, un choc. En premier lieu pour les Ukrainiens, mais aussi pour de nombreux Bélarusses, Russes et aussi Français. Cette guerre nous concerne tous et nous avons commencé à organiser la résistance dès 2014. Il faut soutenir la résistance en Russie et rendre le changement désirable pour les Russes, car le changement viendra de l’intérieur. Les répressions en Russie, ce n’est pas un signe de la force de Poutine, c’est au contraire un signe de sa faiblesse. Poutine est un lâche, car un leader fort va aux élections justes et les gagne, un leader fort ne tue pas et n’empoisonne pas ses opposants. Pour la victoire, nous devons comprendre notre propre force et nous consolider”, a exhorté Ilia Iachine.
REPLAY DISCOURS ILIA IACHINE : RU / FR
La première journée a aussi comporté deux discussions sur les conséquences du poutinisme sur les enfants et les personnes LGBTQ+.
photo par Denis Galitsyn
Le témoignage des intervenants a mis en lumière la volonté du régime de Poutine de s’approprier et d’endoctriner les enfants ukrainiens, dans le cadre d’une politique délibérée de déportation et de “russification”. Cette pratique constitue un crime grave à potentialité génocidaire au regard du droit international. Russie-Libertés ensemble avec l’association Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre ! a mené une enquête sur les coupables de ce réseau de déportation. Gabriel Sebbah, avocat au cabinet Vigo, a présenté une communication à ce sujet, remise à la Cour Pénale Internationale.
Photos par Denis Galitsyn
L’anthropologue Alexandra Arkhipova a alerté sur la militarisation des enfants en Russie, visant à créer une jeunesse loyale envers l’État et son idéologie :
“Le régime de Poutine essaie de créer un futur idéal qui ressemble au passé soviétique, en effaçant toute forme d’opposition et de pensée critique chez les enfants”, Aleksandra Arkhipova.
Elle a souligné les effets pervers de cette entreprise de contrôle et d’endoctrinement des jeunes générations, qui fragilise les liens de confiance au sein de la société russe.
REPLAY DE LA DISCUSSION SAVE CHILDREN FROM PUTINISM : RU / FR
Photo par Nikita Mouraviev
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Photo par Nikita Mouraviev
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Photo par Denis Galitsyn
Jean-Marc Berthon, Ambassadeur pour les Droits des personnes LGBTQ+ au Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères, a souligné les efforts diplomatiques pour accueillir les exilés LGBTQ+ russes en France. Il a signalé que la question des LGBTQ+ est devenue un outil de propagande du Kremlin, entraînant un retour à la pénalisation et à la discrimination d’État. Yan Dvorkin, directeur du centre T et Evi Chaika d’Equal PostOst, ont noté que la situation est particulièrement préoccupante pour les personnes transgenres, qui n’ont plus accès à des soins médicaux et subissent des discriminations systémiques dans l’éducation et l’emploi. L’accent était mis sur l’importance de l’union entre les associations LGBTQ+ et les ONG des droits humains pour promouvoir un véritable État de droit en Russie. Enfin, les participants ont remercié la France pour son soutien dans l’obtention de visas humanitaires pour les personnes LGBTQ+ persécutées.
REPLAY DISCUSSION LES PERSONNES LGBTQ+ VICTIMES DU REGIME RUSSE : RU / FR
Photo par Nikita Mouraviev
Le deuxième jour du forum a été consacré à l’influence du régime russe en France et en Europe, ainsi qu’à la convergence des luttes internationales.
Constance Le Grip, députée et rapporteure de la commission d’enquête sur les ingérences russes, a présenté les conclusions de l’enquête. Selon celle-ci, la France est particulièrement vulnérable face à ces ingérences, en partie à cause du recrutement d’élites, notamment au sein du Rassemblement National, qui entretient des liens avec la Russie. La commission a également identifié une “guerre informationnelle” sur les plateformes numériques, renforcée par des cyberattaques et du recrutement.
“Le régime russe est la principale menace pour les démocraties occidentales.” Constance Le Grip
Les intervenants ont alerté sur les méthodes criminelles employées par le Kremlin dans le domaine informationnel. David Chavalarias, directeur de recherche au CNRS, a noté que “les réseaux sociaux par leur construction sont défaillants, ils génèrent plus d’hostilité et favorisent la polarisation des opinions.” Il a rappelé que pendant les élections européennes et législatives françaises, des milliers de publicités russes ont touché des millions d’Européens, visant à dénigrer les gouvernements en place et à favoriser des partis comme le Rassemblement National. De plus, les plateformes déploient de faux comptes et de l’intelligence artificielle pour donner l’illusion d’un soutien populaire à certaines causes, influençant ainsi les scrutins.
“Les plateformes se rendent complices des méthodes criminelles utilisées par le Kremlin,” a déclaré Antoine Bernard, directeur de plaidoyer de Reporters Sans Frontières.
Photos par Nikita Mouraviev
“Ce qui manque aujourd’hui, c’est une détermination, une volonté politique, pour enfin tordre le poignet de ces plateformes qui sont en train de détruire notre démocratie”, a ajouté Rudy Reichstadt, politologue.
REPLAY TABLE-RONDE 2 SUR LES INGERENCES ET LA DESINFORMATION MENÉS PAR LE KREMLIN: RU / FR
La discussion sur la convergence des luttes a souligné l’importance d’unir les forces de la société civile à l’échelle mondiale. Des intervenants de différents pays ont envisagé la création d’espaces de dialogue et d’actions communes.
Photos par Denis Galitsyn
“Après cette discussion, nous pensons à créer un forum mondial pour une alliance entre nos luttes, pour parler d’une seule voix”, a proposé Chirinne Ardakani, avocate d’origine iranienne.
Sergey Lagodinsky, membre du Parlement Européen, a encouragé à voir les immigrés et réfugiés comme des acteurs du changement, à ne pas les considérer uniquement comme des victimes :
“Aider les immigrés et les réfugiés – n’est pas juste notre devoir éthique et moral. Il faut aussi investir politiquement sur ces gens-là.” Sergey Lagodinsky.
REPLAY TABLE-RONDE 3 SUR LA CONVERGENCE DES LUTTES : RU / FR
Enfin, le forum a proposé des projections de projets tels que « L’Adieu aux armes », créé par des déserteurs russes (lien), et “Save children from putinism” de Free Russians Global (lien). Margarita Rybina a présenté son projet documentaire féministe et anti-guerre, “Et Dieu… créa la Femme en résistance” (bientôt disponible sur notre page YouTube). La clôture a été marquée par la performance poignante de la comédienne ukrainienne Julia Loboda (lien).
Un immense merci à l’ensemble de nos intervenants et à nos partenaires : en particulier à la Mairie de Paris et à la Mairie Paris Centre, ainsi qu’à l’Institut Français, au Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères, à Amnesty International France, à Free Russia Foundation, et à notre Espace Libertés | Reforum Space Paris.
Nous adressons également nos remerciements à : Mémorial France, l’Institut Andreï Sakharov, Reporters Sans Frontières, la Plateforme des initiatives citoyennes et anti-guerre, Rusos Libres España, Voice of Free Russia et Free Russians Global. Votre engagement est essentiel pour la réussite de ce forum !
Julia Loboda
Photos par Nikita Mouraviev
Ilia Iachine s’est vu remettre la Citoyenneté d’Honneur de la Ville de Paris à l’occasion d’une cérémonie qui s’est tenue le lundi 21 octobre à l’Hôtel de Ville de Paris, présidée par Jean-Luc Romero-Michel, adjoint à la Maire de Paris, en charge des Droits Humains, de l’Intégration et de la Lutte Contre les Discriminations.
Photos par Denis Galitsyn
Nous remercions chaleureusement la Maire de Paris, Madame Anne Hidalgo, et Monsieur Jean-Luc Romero-Michel pour cette distinction qui honore toutes les personnes de Russie œuvrant pour les libertés fondamentales et qui constitue un soutien fort à l’ensemble des prisonniers politiques.
Photos par Denis Galitsyn
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