28.10.2022

Le 7 octobre 2022, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, à Genève, a créé, pour la première fois, un mandat de Rapporteur spécial chargé de surveiller la répression des opposants en Russie.

Cette décision est particulièrement importante pour ceux qui se battent encore, dans un contexte de guerre, pour les libertés en Russie aujourd’hui. Elle arrive à un moment marquant, quelques jours après l’attribution du “prix des droits de l’homme Vaclav Havel” à l’opposant politique russe Vladimir Kara-Murza, actuellement emprisonné, et du prix Nobel de la Paix à l’ONG russe Mémorial. 

En effet, malgré d’importants mouvements de lutte pour les libertés, les droits humains n’ont cessé de se dégrader en Russie, notamment depuis le début des années 2000 et l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine.

Entre une corruption institutionnalisée et une oppression de grande ampleur, la population russe subit, depuis plus de 20 ans, les effets d’un pouvoir autoritaire, toujours plus répressif et anti-démocratique. Les multiples fraudes électorales, l’étouffement du pluralisme politique et la répression systématique des opposants montrent que ce pouvoir n’est pas choisi par les citoyens russes. La Russie est progressivement devenue un pays où la contestation est devenue quasi impossible, et les attaques contre les droits et libertés se sont amplifiées après l’agression illégale du Kremlin contre l’Ukraine. 

Les restrictions arbitraires sont stimulées par une très forte propagande savamment orchestrée par le pouvoir russe. La diffusion de fausses informations, le culte de la personnalité autour de Vladimir Poutine ou, plus récemment, la manipulation des réseaux sociaux vise à éradiquer toute forme de libre-arbitre politique chez les citoyens russes. 

La plus importante des attaques vise la liberté d’expression, sans cesse bafouée par Vladimir Poutine, particulièrement après son retour au poste de président en 2012. Un retour qui a été précédé par des manifestations massives contre les fraudes électorales, rassemblant des centaines de milliers de personnes dans plusieurs villes russes, avec notamment de grands rassemblements sur l’avenue Sakharov et la place Bolotnaïa à Moscou. Une chaîne humaine de manifestants se tenant par la main avait même été organisée à Moscou avec pour slogan “Ne laissons pas Poutine entrer au Kremlin”. Ces premières manifestations massives ont marqué un tournant vers une accélération des répressions : violemment réprimées, elles ont donné lieu aux affaires pénales contre les manifestants pacifiques connues sous le nom de “l’affaire de Bolotnaïa”. Les condamnations arbitraires ont mis la lumière sur “un système judiciaire entièrement soumis aux ordres de ses maîtres politiques”.

Si la censure était déjà forte auparavant, l’année 2012 marque le début d’une nouvelle ère répressive suite à une loi créant le statut « d’agents étrangers ». Appliqué aujourd’hui à quasi l’ensemble des organisations et personnes considérées par le régime de Poutine comme étant des opposants ou des membres de la société civile indépendante, le statut d’« agents étrangers » oblige l’apposition d’une mention sur chaque publication de l’organisation concernée et la limitation de ses droits. 

La loi de 2012 et l’ensemble des répressions qui l’ont suivi ont fortement contribué à la disparition quasi complète de la liberté d’expression et d’opinion en Russie

La liberté de manifestation a également été rapidement étouffée dans la Russie actuelle. Les manifestations pacifiques de tout type, se soldent le plus souvent par des violences policières majeures et des arrestations massives. 

Avec la guerre en Ukraine, les arrestations arbitraires, la censure et la propagande ont atteint des niveaux critiques. Le Kremlin manipule la société russe par un discours haineux, par une distorsion de l’histoire et une instrumentalisation de la mémoire. Et, tous ceux qui s’opposent ouvertement à ce discours sont sans cesse traqués, pourchassés, emprisonnés, empoisonnés, tués ou poussés à l’exil. 

Bilan en chiffres de l’évolution des répressions contre les droits et libertés de citoyens russes sous le régime poutinien, depuis 2012 :

  • des dizaines de milliers d’arrestations suite à des manifestations pacifiques depuis fin 2011, dont près de 20 000 suite aux manifestations contre la guerre en Ukraine en 2022
  • pas moins de 16 assassinats ou tentatives d’assassinats politiques depuis l’arrivée au pouvoir de Poutine (A. Politkovskaya, N. Estemirova, B. Nemtsov, S. Markelov, A. Babourova, A. Litvinenko, S. Iouchenkov, B. Berezovski, B. Paterkatsishvili, S. Magnitski, P. Khlebnikov, Y. Shekotchikhyn, S. et Y. Skripal, A. Navalny, V. Kara-Murza).
  • plus de 2 000 personnes poursuivies pénalement pour leurs opinions dont 354 détenues dans les prisons russes aujourd’hui
  • tous les médias indépendants sont interdits, ou censurés, ou empêchés d’exister
  • 15 journalistes sont emprisonnés
  • 645 individus et organisations reconnus comme « agents étrangers » par le Ministère russe de la Justice, dont plus de 200 depuis le début de la guerre massive en Ukraine
  • Des centaines de lois répressives ont été prises depuis les années 2000

Pour conclure ce constat glaçant, rappelons que la Russie occupe la 1ère place en terme de nombre de plaintes déposées auprès de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et représente à elle seule plus d’un quart des requêtes enregistrées chaque année (selon le rapport annuel 2021 de la CEDH).

Malgré ce climat extrêmement répressif, de nombreuses voix s’élèvent contre l’arbitraire du pouvoir et contre la guerre en Ukraine.

Depuis le 24 février 2022, des initiatives sont nées ou se sont converties à la lutte contre la guerre en Ukraine. Les deux plus grands mouvements anti-guerre sont Fem Antiwar Resistance et Vesna. Citons également Mediapartisans, Février noir, Nitka, Teplitsa, Comité contre la guerre, et le FBK (Anti-Corruption Foundation) d’Alexeï Navalny qui continue à fonctionner malgré l’emprisonnement de son fondateur. 

Nous vous appelons à soutenir ces Femmes et Hommes russes courageux qui s’opposent chaque jour à la guerre en Ukraine.

Pour nous soutenir